DOSSIER MARTIN NOLOT

CHRONOLOGIE

 

 

 

Avril 2002

M. Nolot est admissible aux épreuves orales de l’agrégation interne de Mathématiques. Il passe les deux épreuves les 14 et 15 avril au lycée Fénelon à Paris. A l’issue de la préparation de la deuxième épreuve, une candidate lui fait remarquer que le document qu’il a utilisé n’est pas autorisé. Il passe tout de même l’épreuve, mais une fois celle-ci terminée, il est convoqué par le président du jury. Celui-ci l’informe qu’il a trouvé dans ses affaires (il les a donc fouillées à l’insu de M. Nolot pendant que  celui-ci passait l’épreuve) un document interdit. M. Nolot ayant utilisé ce document pendant l’épreuve se trouve donc accusé d’un flagrant délit de fraude. M. Nolot reconnaît les faits, tout en déclarant sa méconnaissance de la nature de l’interdiction. Le document est saisi par le président du jury, qui prévrient immédiatement la Direction des Personnels Enseignants des faits, en précisant que «Il s’agit d’une fraude caractérisée. Le fait qu’elle soit commise par un professeur en exercice la rend particulièrement grave.» Il propose pour conclure que «cet enseignant soit sévèrement sanctionné.»

 

Le 25 avril, M. Nolot est averti par la DPE qu’il est éliminé de la session 2002 du concours de l’agrégation interne de Mathématiques pour flagrant délit de fraude. Il est rappelé également que «tout candidat convaincu de fraude est passible de sanctions pénales dont la loi frappe le délit de fraude dans un concours public sans préjudice des sanctions disciplinaires qu’il encourt quand il est agent de l’Etat.» Le courrier ne précise pas la nature des sanctions disciplinaires encourues.

 

 

Juin 2002

Le 12 juin, M. Nolot reçoit un courrier du rectorat de Versailles l’informant de sa convocation devant un conseil de discipline, en vue de donner un avis sur une sanction éventuelle. La Commission Administrative Paritaire Académique (CAPA), chargée d’instituer ce conseil, est sensée se réunir le 9 juillet. En attendant cette date, M. Nolot est invité à consulter son dossier individuel de carrière et à présenter ses observations le 20 juin. C’est donc à cette date qu’il se rend au Rectorat pour effectuer l’ensemble de ces actions. Il est accompagné de Ludovic Brumant, du syndicat Sud. Après consultation du dossier, celui-ci lui conseille de faire appel à un avocat pour le défendre lors de la CAPA. Il lui propose le nom de Maître Coudray. M. Nolot suit ce conseil et contacte Me Coudray, qui accepte d’étudier le dossier et de sen rendre à la CAPA le 9 juillet.

 

 

Juillet 2002

Le 9 juillet se réunit donc la CAPA chargée de donner un avis au Ministère sur la sanction éventuelle à attribuer à M. Nolot. Cette commission, présidée par le recteur de l’Académie de Versailles, est composée de 19 représentants de l’Administration (IA, chefs d’Etablissements, responsables de la DPE, etc.) et de 19 représentants des personnels (professeurs certifiés représentant les différents syndicats). Sont également naturellement présents Me Coudray et son client M. Nolot.

Dans un premier temps, ceux-ci ont la parole, s’expliquent sur les faits et répondent aux questions des membres de la commission : M. Nolot reconnaît les faits, mais affirme ne pas avoir été au courant de la nature des documents interdits au concours : seuls les ouvrages comportant un numéro ISBN, ne figurant pas sur la liste affichée en salle d’accueil sont autorisés. Le document utilisé par M. Nolot est une brochure du CNED ne comportant pas de numéro ISBN. Pour montrer la bonne foi de M. Nolot, trois arguments :

- Il ne s’est pas dissimulé lors de la préparation puisqu’il a été vu par une candidate.

- Le document n’était pas caché puisque le président du jury l’a trouvé dans les affaires de M. Nolot sans difficultés.

- Le parcours professionnel de M. Nolot montre qu’il n’est pas dans sa nature de frauder. Etant à l’origine ingénieur informaticien, il a renoncé à une carrière «intéressante» au niveau financier pour se tourner vers l’enseignement. Il s’est occupé pendant des années d’élèves en échec scolaire.

 

Contre lui, deux arguments :

- Il n’a pas pris la peine de consulter les textes pour se renseigner sur la nature des documents autorisés.

- Par deux fois, il a assisté au rappel oral des consignes concernant les documents autorisés ou non, sans les intégrer.

 

Dans un second temps, M. Nolot et Me Coudray sortent et la commission délibère pour proposer une sanction. Il existe quatre groupes de sanctions, de la moins grave à la plus grave:

 

Premier groupe

avertissement, blâme

 

Deuxième groupe

radiation du tableau d’avancement, abaissement d’échelon, exclusion temporaire de fonctions pour quinze jours, déplacement d’office

 

Troisième groupe

rétrogradation, exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans

 

Quatrième groupe

mise à la retraite d’office, révocation

 

Le président de la commission est chargé de proposer une sanction, en commençant par la plus sévère. Les membres votent. Si la sanction est rejettée, on procède au vote d’une sanction plus légère. Sinon, le projet de sanction est adopté.

 

 

Le 18 juillet, M. Nolot est informé par le Rectorat que le groupe de sanction choisi a été le troisième (21 voix contre 17) et que la sanction en elle-même est l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans (20 voix contre 18). Le courrier précise que les éléments du dossier sont transmis de suite au Ministère, en vue d’une décision, étant donné que la CAPA ne donne qu’un avis.

 

Le 26 juillet, M. Nolot reçoit une lettre de la DPE (faisant partie du Ministère), l’informant qu’après avoir recueilli l’avis de la CAPA, la sanction retenue sera finalement la révocation. Ce courrier précise également les différents possibilités de recours pour remettre en cause la décision :

 

- Faire appel au Conseil Supérieur de la Fonction Publique (délai d’un mois d’après le courrier) qui sera alors chargé d’émettre un nouvel avis sur le dossier

 

- Demander un recours grâcieux au Ministère sans condition de délai. Dans ce cas, celui-ci réexamine le dossier dans un délai indéterminé.

 

- Demander un recours contentieux auprès du Tribunal Administratif (délai deux mois). Dans ce cas, celui-ci est charger de statuer à nouveau sur le dossier. Il n’émet pas un avis, mais rend une décision. Il se réunit en moyenne deux à trois ans après avoir saisi le dossier.

 

L’avocat de M. Nolot, Me Coudray, décide de solliciter un recours contentieux, car les deux autres voies n’ont quasiment aucune chance d’aboutir, étant donné que le Ministère garde le pouvoir de décision. L’inconvénient du recours contentieux est le délai important mis par le Tribunal à se réunir. Pour y remédier, Me Coudray décide de mettre en place un référé suspension. Il s’agit d’une procédure d’urgence destinée à saisir très rapidement le TA, en vue de délibérer sur l’urgence  de l’appel. Dans ce cas, le TA se réunit une ou deux semaines après avoir reçu le dossier, et délibère rapidement sur le caractère d’urgence du dossier. Si celui-ci est confirmé, la sanction est alors suspendue jusqu’à la convocation «explicite» du TA, qui ne mettra plus deux ou trois ans à se convoquer, mais deux ou trois mois.

 

Après constitution et mise en place du dossier, le TA de Cergy Pontoise décide de se réunir pour délibérer sur l’urgence le 6 septembre.

 

 

 

Août 2002

M. Nolot décide de prévenir l’ancien ministre de l’Education Nationale, Jack Lang, pour lui demander conseil. Celui-ci lui répond le 23 août. Il l’informe qu’il est intervenu auprès de l’actuel ministre Luc Ferry, pour l’informer de la situation délicate de M. Nolot. Jack Lang s’engage à le tenir au courant de la réponse du ministre dès qu’elle lui parviendra.

 

M. Nolot, malgré sa révocation du 26 juillet, touche sa paie du mois d’Août. Il ignore s’il y a droit ou s’il s’agit d’une erreur de l’administration. Au rectorat, personne n’est suffisamment informée pour lui répondre sur ce point, ni s’il a ou non droit à des indemnités étant donné sa situation.

 

M. Nolot s’incrit aux ASSEDIC et à l’ANPE en tant que demandeur d’emploi.

 

 

 

Septembre 2002

Lors de la pré-rentrée, M. Nolot se rend au collège Les Coutures afin d’informer ses collègues de sa situation précaire.

 

Le 6 septembre, le TA se réunit pour délibérent sur le caractère d’urgence du dossier. Assistent à cette audience M. Nolot, Me Coudray, M. Sarda, représentant du Ministère, ainsi qu’une dizaine de collègues de M. Nolot.

 

Le 9 septembre, M. Nolot est informé par courrier du rejet de la procédure d’urgence. La sanction de révocation n’est en conséquence pas suspendue, et le TA ne se réunira pour traiter le dossier en profondeur que dans deux ou trois ans.

 

Le 21 septembre, un article intitulé «Un prof viré : l’Education nationale sévère et injuste» paraît dans Libération. Cet article relate d’une manière impartiale les faits survenus à M. Nolot.

 

Le lundi 23 septembre, les professeurs du collège Les Coutures de Parmain font grève pour soutenir leur collègue. Un bon nombre d’entre eux se rend à la DPE rue de Chateaudun pour demander des comptes à Pierre-Yves Duwoye, qui a signé la révocation de M. Nolot. Une délégation de quatre personnes, dont l’intéressé, est reçue par M. Hennetin, l’adjoint de M. Duwoye. Celui-ci répond à toutes les questions en renvoyant à la commission de recours du Conseil Supérieur de la Fonction Publique. (voir juillet) Or, le délai de cette commission, d’après le courrier de la DPE, est déjà expiré. D’autre part, d’après Me Coudray, la cause en est déjà entendue, étant donné que le Ministère n’est pas obligé de tenir compte de ce nouvel avis éventuel.

 

Les journalistes de FR3 étant présents à cette journée, l’événement paraît à la télé lors des actualités régionales. Il repasse le lendemain dans une version écourtée. Un article paraît dans le Parisien Val d’Oise du 24 septembre.

 

D. Launer, une collègue de M. Nolot, effectue une recherche approfondie dans les textes officiels. Et là se révèle une chose étonnante. Il n’apparaît à aucun endroit, ni dans le BO, ni dans le RLR, ni dans les sites internet du Ministère, ni dans le rapport du jury 2001, ni sur la convocation de M. Nolot, qu’il existe des documents explicitement interdits. L’accusation pour fraude devient alors caduque : peut-on reprocher à un candidat d’utiliser un document qui n’est interdit par aucun règlement ?

 

Ce nouveau complément d’information va peut-être bouleverser les données du problème. Me Coudray, mis au courant, envisage l’opportunité d’un nouveau référé suspension. Il serait peut-être également possible d’informer le ministre Luc Ferry lui-même.

 

 

 

Octobre 2002

Nouvelle information concernant les documents du CNED : Sur une brochure d’information concernant l’épreuve orale du CAPES interne, il est précisé que les candidats peuvent utiliser lors de la préparation tous les documents qu’ils possèdent, y compris ceux du CNED. Lors de la préparation de l’AGREG, si M.Nolot ne s’est pas préoccupé de la nature des documents autorisés, c’est qu’il venait de passer le CAPES, et qu’il pensait que les épreuves orales des deux concours avaient les mêmes modalités pour ce qui est de la nature des documents autorisés. De plus, lors de la CAPA, le président du jury de l’Agreg avait déclaré que «les consignes relatives aux ouvrages sont [...] identiques à celles du CAPES.»

 

Un tract est rédigé et remis «en mains propres» à Luc Ferry, ministre de l’Education Nationale, par l’intermédiaire d’une personne connaissant un professeur du collège de parmain et travaillant à l’Assemblée Nationale. Ce tract résume en une page l’ensemble de l’affaire en demandant au ministre le réexamen du dossier. Après l’avoir lu, celui-ci déclare qu’il «s’en occupera personnellement»...

 

Un courier de Me Coudray à M. Nolot informe celui-ci que les nouveaux documents fournis ne sont pas susceptibles de pouvoir provoquer un nouveau référé suspension. En effet, une nouvelle procédure d'urgence aurait été envisageable si aucun texte officiel ne faisait expressément référence à la nature des documents interdits à l'agrégation de mathématiques. Ce n'est malheureusement pas le cas car une note de service en date du 24 septembre 1990 précise que les candidats ne peuvent utiliser des ouvrages de référence qu'ils auront eux-même apporté que pour autant que ceux-ci soient "imprimés, vendus dans le commerce, et ne pas comporter de notes manuscrites". Le référé suspension étant une procédure "rapide", qui ne va pas dans les détails, l'existence de cette note rend inopportun le fait d'y avoir recours.

En revanche, ces éléments supplémentaires sont particulièrement intéressants car ils permettent de remettre en cause l'idée que seuls les ouvrages comportant un numéro ISBN peuvent être utilisés, outre qu'ils mettent en avant l'idée que le CNED est une véritable "librairie" auprès de laquelle tous les documents peuvent être acquis, ce qui tendrait à démontrer que les documents émanant de cet établissement sont bien des ouvrages "dans le commerce". Les chances sont donc raisonnables, mais uniquement dans le cadre de la procédure normale qui aura lieu dans deux ou trois ans...

 

Le président de l'APEPJ (association des parents d'élèves de Parmain Jouy-Le-Comte), soutenu par de nombreux courriers de parents d'élèves, constitue un dossier sur le cas M.Nolot et le transmet à Jacky Simon, médiateur de l'Education Nationale. Le but de cette démarche est de mettre au point un compromis entre l'administration et sa victime. Statistiquement, 64% de ce genre de recours aboutit à un succès. Alors pourquoi ne pas tenter cette possibilité?

 

 

 

Novembre 2002

Rien à signaler

 

 

 

Décembre 2002

Le mardi 3 décembre, à 10 h 30, M. Nolot passe à l'Antenne d'Europe 1, dans le cadre de l'émission de Roland Perez, médiateur. Participe à l'émission également M. Hennetin, représentant de l'Education Nationale, qui avait déjà été l'interlocuteur des enseignants lors de la grève du 23 septembre. Au cours de l'émission, R. Perez décrit brièvement, mais clairement la situation, mais commence par déclarer qu'aider M.Nolot est quasiment "mission impossible". Cela donne le ton. Ses questions portent surtout sur la nature du fameux document incriminé.  Y en avait-il du même type dans la bibliothèque du concours? Comportait-il des notes manuscrites? En bref, des questions techniques qui n'abordaient pas l'essentiel du problème, à savoir : M. Nolot aurait-il pu être au courant de l'interdiction portant sur son document?

M. Hennetin, quant à lui,  se repose sur les mêmes arguments que lors du 23 septembre, à savoir que le recours gracieux n'a pas été utilisé. A aucun moment, il ne répond aux questions concernant les textes réglementaires. On apprend toutefois de sa bouche que le ministre n'a pas l'intention de revenir sur sa décision. En conclusion, l'émission n'aura pas permis d'aboutir à un compromis avec l'Education Nationale, ce dont on pouvait se douter à l'avance. En revanche, après Libération et Le Parisien, elle aura encore augmenté le nombre de personnes au courant de l'affaire, ce qui n'est déjà pas si mal.

 

Quelques jours après l'émission, Luc Ferry envoie à M. Nolot une lettre datée du 5 décembre l'informant qu'il transmettait son dossier à la direction des affaires juridiques, compétente en la matière. Ceci confirme le fait qu'il ne compte pas personnellement revenir sur sa décision, mais que peut faire la nouvelle instance et dans quels délais? Est-ce une manière de noyer le poisson ou cela représente-t-il une avancée dans le traitement du dossier? Impossible de le dire pour l'instant.

 

A la même date (5 décembre), le ministre envoie un courrier à Jack Lang, qui avait appelé son attention sur la situation de M. Nolot, en lui décrivant les raisons pour lesquelles celui-ci avait été révoqué par ses soins : utilisation d'un document manuscrit (alors que le document est imprimé), consigne rappelée par l'appariteur en chef (alors qu'elle ne figure explicitement sur aucun texte), faisant l'objet d'un affichage sur les murs de la salle de préparation (alors que la seule affiche présente se situait dans la salle d'accueil et ne concernait que les ouvrages interdits parce que trop récents et ne faisait pas référence au document incriminé). Conclusion : le ministre est-il de bonne foi, ou joue-t-il double jeu ?

 

Un mémoire décrivant en détail les éléments du dossier Martin Nolot est mis au point par des professeurs du collège de Parmain. Un exemplaire est envoyé au Ministre de l'Education nationale, au Médiateur de l'Education nationale, au Directeur des affaires juridiques, au Président du jury de l'agrégation interne de Mathématiques, et au Recteur de l'académie de Versailles. Jack Lang reçoit également un courrier de M. Nolot lui communiquant ce dossier et dans lequel il lui demande aussi de faire partie des gens qui le soutiennent...

Avril 2003

Suite à cette affaire l'association des victimes de l'organisation des concours de l'education nationale est créée, à ce jour près de 30 adhérents soutiennent et aident leur collègue injustement radié.

Des actions sont prévues dès la rentrée 2003.

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